Le métier de surveillant pénitentiaire a connu une profonde transformation au fil des décennies, passant d'une fonction principalement axée sur le gardiennage à un rôle plus complexe intégrant des compétences de médiation et d'accompagnement. Cette évolution reflète les changements structurels au sein de l'administration pénitentiaire française et la reconnaissance progressive de l'importance des compétences relationnelles dans l'univers carcéral.
Le métier de surveillant pénitentiaire : missions et responsabilités en constante évolution
Les fondamentaux du métier et les responsabilités quotidiennes
Le surveillant pénitentiaire occupe une position charnière dans le système carcéral français. Sa mission première consiste à assurer la sécurité au sein des établissements tout en veillant au respect des règles de détention. Historiquement, cette fonction était fortement marquée par une approche disciplinaire stricte. La réforme pénitentiaire initiée par Paul Amor après la Seconde Guerre mondiale a posé les jalons d'une transformation profonde du métier. Durant la période 1945-1950, le recrutement s'effectuait principalement parmi les militaires, sans formation spécifique, avec des règles d'anonymat et de silence très strictes en détention. Les conditions de travail étaient précaires et la priorité absolue était donnée à la sécurité pour minimiser les risques d'évasion.
Aujourd'hui, le surveillant doit jongler entre plusieurs responsabilités qui dépassent largement le simple gardiennage. Il assure la surveillance des détenus, effectue les fouilles réglementaires, contrôle les mouvements au sein de l'établissement, mais participe également au processus de réinsertion. Cette évolution des missions s'est accompagnée d'une transformation des outils et méthodes de travail, comme l'introduction des cahiers d'observations et du registre d'écrou unique dans les années 1950-1960.
L'évolution vers un rôle de médiateur dans l'univers carcéral
La surpopulation carcérale, problème chronique du système pénitentiaire français, a considérablement modifié la nature des interactions entre surveillants et détenus. Face à des tensions exacerbées par la promiscuité, le surveillant doit désormais faire preuve de compétences en gestion de conflits et en médiation. Cette dimension relationnelle du métier, longtemps sous-estimée, est aujourd'hui reconnue comme essentielle à la stabilité du milieu carcéral et à la réussite des missions de réinsertion.
Cette évolution a été particulièrement marquée dans les années 1970-1980, période caractérisée par d'importantes réformes du régime de détention, comme l'introduction de la presse quotidienne et des mesures de réduction de peine. Ces changements ont complexifié le travail des surveillants, désormais en première ligne pour gérer les relations humaines au sein d'un environnement contraint. Le surveillant pénitentiaire est progressivement devenu un interlocuteur clé pour les détenus, nécessitant des aptitudes d'écoute et de médiation qui n'étaient pas valorisées dans la conception traditionnelle du métier.
La formation à la médiation : un pilier de la professionnalisation des surveillants
Le parcours de formation initiale et les modules spécifiques à la médiation
La formation des surveillants pénitentiaires a connu une évolution considérable depuis l'après-guerre. Initialement limitée à une simple « école des cadres », elle s'est progressivement structurée avec la création de l'école pénitentiaire du Plessis-Robinson dans les années 1960, puis de l'École Nationale d'Administration Pénitentiaire. L'ENAP est aujourd'hui le centre névralgique de la formation des personnels pénitentiaires en France, première école du Ministère de la Justice à obtenir la labellisation QUALIOPI et à être enregistrée à France Compétences.
La formation initiale des surveillants intègre désormais des modules spécifiquement consacrés aux techniques de médiation et de gestion des conflits. Cette évolution répond à une réalité de terrain où les compétences relationnelles sont devenues aussi importantes que les connaissances en matière de sécurité. L'ENAP a récemment franchi une étape significative en enregistrant la compétence « animer des médiations en contexte professionnel » au Répertoire Spécifique de France Compétences. Cette certification, effective depuis le 9 février 2024 sous la référence RS6509, s'inscrit dans le cadre de la Charte contre les violences et de la stratégie de lutte contre les violences au sein de l'Administration Pénitentiaire.
La formation continue comme levier de développement des compétences relationnelles
Au-delà de la formation initiale, l'administration pénitentiaire a développé des programmes de formation continue permettant aux surveillants d'approfondir leurs compétences en médiation. Cette approche, amorcée dès les années 1970 avec l'apparition des GRETAP pour la formation continue, s'est considérablement renforcée ces dernières années. Les sessions de formation à la médiation organisées par l'ENAP ont déjà permis de certifier 34 agents de différentes catégories, incluant surveillants, officiers, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, directeurs, assistants sociaux et psychologues.
La diversité des profils formés témoigne de l'importance transversale accordée aux compétences de médiation dans l'ensemble des métiers pénitentiaires. Cette formation continue permet non seulement d'acquérir de nouvelles compétences, mais aussi de valoriser l'expérience terrain des surveillants et de reconnaître officiellement leur rôle de médiateurs au quotidien. Les inscriptions pour ces formations sont accessibles via la plateforme Harmonie pour les agents pénitentiaires et via le site internet de l'ENAP pour les personnes externes.
La valorisation salariale des compétences de médiation
La structure de rémunération actuelle et ses limites
La question de la rémunération des surveillants pénitentiaires a toujours été un sujet sensible, marqué par des revendications régulières concernant la reconnaissance financière de la difficulté du métier. Historiquement, la situation économique et sociale du personnel pénitentiaire était précaire, comme en témoignent les documents sur la période d'après-guerre. Si des avancées notables ont été obtenues au fil des décennies, notamment avec les accords de Grenelle et la réforme statutaire de 1966, la structure de rémunération actuelle présente encore des limites importantes.
Le système de rémunération des surveillants repose principalement sur une grille indiciaire complétée par diverses primes. Cependant, cette structure peine à valoriser adéquatement les compétences relationnelles et de médiation qui sont pourtant devenues centrales dans l'exercice du métier. Les primes existantes récompensent davantage l'ancienneté ou les contraintes horaires que l'acquisition et la mise en œuvre de compétences spécifiques comme la médiation. Cette inadéquation entre l'évolution du métier et sa valorisation salariale constitue un frein à la reconnaissance pleine et entière du rôle de médiateur joué par les surveillants.
Les nouvelles primes liées aux compétences relationnelles et de médiation
Face à ce constat, l'administration pénitentiaire a initié une révision de sa politique de rémunération pour mieux reconnaître et valoriser les compétences de médiation. La mise en place de la certification « animer des médiations en contexte professionnel » par l'ENAP ouvre la voie à une reconnaissance officielle de ces compétences, potentiellement associée à des bonifications salariales. Cette évolution s'inscrit dans une tendance plus large de professionnalisation du métier de surveillant et de valorisation des savoir-faire relationnels.
De nouvelles primes spécifiques sont progressivement mises en place pour récompenser l'acquisition et l'utilisation des compétences de médiation dans le contexte carcéral. Ces incitations financières visent à encourager les surveillants à développer leurs aptitudes relationnelles et à s'investir dans des démarches de résolution pacifique des conflits. Cette orientation traduit une prise de conscience institutionnelle de l'importance cruciale des compétences de médiation pour maintenir un climat apaisé en détention et favoriser la réinsertion des détenus.
Les perspectives d'évolution de carrière axées sur la médiation
Les spécialisations et grades accessibles aux médiateurs confirmés
La reconnaissance des compétences de médiation ouvre de nouvelles perspectives d'évolution de carrière pour les surveillants pénitentiaires. Au-delà de la progression classique dans les grades du corps de surveillance, des voies de spécialisation axées sur la médiation et la gestion des conflits se développent. Ces parcours permettent aux surveillants de valoriser leur expertise relationnelle et d'accéder à des postes à responsabilité où ces compétences sont particulièrement recherchées.
L'administration pénitentiaire propose désormais des fonctions spécifiques pour les agents ayant développé une expertise en médiation. Ces postes peuvent concerner l'encadrement d'unités sensibles, la formation des nouveaux agents aux techniques de médiation, ou encore la participation à des programmes innovants de prévention des violences en détention. Ces évolutions de carrière représentent une reconnaissance institutionnelle du rôle crucial joué par les compétences relationnelles dans l'univers carcéral et offrent des perspectives motivantes aux surveillants investis dans cette dimension de leur métier.
Les témoignages de réussite professionnelle grâce aux compétences de médiation
Les témoignages des surveillants ayant bénéficié de formations en médiation révèlent l'impact positif de ces compétences sur leur pratique quotidienne et leur évolution professionnelle. La capacité à désamorcer des situations tendues, à établir un dialogue constructif avec les détenus et à résoudre pacifiquement les conflits constitue un atout majeur dans l'exercice du métier. Ces compétences sont également valorisées lors des procédures d'avancement et peuvent faciliter l'accès à des responsabilités accrues.
Les six sessions de formation déjà organisées par l'ENAP ont permis de constituer un premier vivier d'agents certifiés en médiation, dont les retours d'expérience sont précieux pour affiner les dispositifs de formation et de valorisation. Ces témoignages mettent en lumière non seulement l'amélioration des conditions de travail grâce à une meilleure gestion des relations humaines, mais aussi l'ouverture de nouvelles opportunités professionnelles pour les surveillants ayant développé une expertise en médiation. Cette dynamique positive contribue à renforcer l'attractivité du métier et à valoriser la dimension humaine essentielle de la fonction de surveillant pénitentiaire.